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La Grande Mosquée d’Alger : Mesure de la démesure

by Archi Mag

En approchant Alger depuis l’Est, au niveau du quartier Dar El Beïda situé à la sortie de l’aéroport international Houari Boumediene, une silhouette d’un volume linéaire élancé vitré au sommet apparait comme un phare dans le paysage urbain de la ville. Tout en avançant vers le centre de la capitale on s’aperçoit qu’il s’agit de la grande mosquée d’Alger (جَامِعُ الجَزَائِر), troisième plus grande mosquée du monde, avec son minaret minimaliste. Ce projet iconique, a été commandé par l’ancien président algérien feu Abdel Aziz Bouteflika en 2007 sous forme d’un concours architectural international.

Vue à l’approche de la mosquée depuis la rocade nord d’Alger

Rami Khayati Photography

Située dans le quartier El Mohammadia, à quelques centaines de mètres des deux barres horizontales formant la cité HLM « Les Dunes », le nouveau lieu de culte islamique a été inauguré en Avril 2019. Œuvre architecturale du groupement Allemand KSP (Jürgen Engel Architekten et Krebs und Kiefer), le projet retenu s’étale sur une vingtaine d’hectares. Il se compose, outre la mosquée, de plusieurs bâtiments annexes abritant des résidences, une grande bibliothèque, un centre de recherche et de conférences, un musée…. Actuellement (2023), plusieurs composantes du complexe ne sont pas encore ouvertes au public. L’accès public est alors limité en temps (lors de la prière du maghreb) et en lieu (depuis la porte 13 se situant à l’Avenue Ahmed Azzouz, dans le quartier résidentiel « La Vignerie »).

Plan masse de la Grande Mosquée D’Alger.

KSP ENGEL

La visite du monument commence à travers une allée menant jusqu’à l’entrée de la mosquée tout en longeant les bâtiments abritant le centre culturel et universitaire. L’entrée du parking sous-sol y donne aussi. Une fois cette première séquence accomplie, le visiteur se trouve au milieu d’un jardin inspiré de celui du palais de l’Alhambra où le minéral se juxtapose au végétal. L’accès à la mosquée est annoncé par trois portes monumentales.

Vues depuis les jardins de la mosquée

Rami Khayati Photography

Une fois l’entrée franchie, une galerie formée par une double série de colonnes sous forme de champignons s’expose en entourant un patio à dominance minérale. Ce Sahen (صحن), symbole de connexion au divin et au céleste, est aménagé avec ses plans d’eau sur quatre cotés. Il joue aussi le rôle de distributeur puisqu’il donne accès aux autres sous-espaces dont essentiellement la salle de prière et les annexes de la mosquée.

Axonométrie illustrant les différentes composantes du bâtiment central.

KSP ENGEL

Des salles d’ablutions sont aménagées autour du patio principal couvrant une superficie de 4200 m² partagés entre hommes et femmes alors qu’une série de boutiques et de restaurants sont implantés autour du second patio. A l’ouest, le minaret le plus haut au monde (de 265m), avec sa tour de bureaux, son musée et son observatoire vitré, offre une vue imprenable sur toute la baie d’Alger.

Le minaret à travers les jardins de la mosquée

Rami Khayati Photography

Des salles d’ablutions sont aménagées autour du patio principal couvrant une superficie de 4200 m² partagés entre hommes et femmes alors qu’une série de boutiques et de restaurants sont implantés autour du second patio. A l’ouest, le minaret le plus haut au monde (de 265m), avec sa tour de bureaux, son musée et son observatoire vitré, offre une vue imprenable sur toute la baie d’Alger.

Quant à la salle de prière, composante principale de toute mosquée, elle se situe à l’Est, direction de la Kibla. Il s’agit d’une salle carrée de 140m de cote, de 20 000 m² de surface, de 618 colonnes octogonales en béton blanc et d’une hauteur de 45m approximativement, pouvant accueillir à elle seule 36 000 fidèles des 120 000 que pourrait accueillir tout le complexe.

Vue de l’entrée

Rami Khayati Photography

La salle de forme parallélépipédique et de type hypostyle, couronnée par une coupole géante de 50m de diamètre préfabriquée en Chine, abrite une nef centrale divisant la salle en deux parties et menant vers le « Mihrab » en marbre blanc. Il est à préciser que toute la salle est dotée d’un système antisismique au sous-sol avec 250 isolateurs.

Vue de l’intérieur de la salle de prière

Rami Khayati Photography

Au niveau de l’ornementation, les concepteurs ont joué la carte de sobriété avec des revêtements muraux clairs intégrant des motifs géométriques simples. Un tapis localement conçu de couleur turquoise avec des motifs représentant des motifs du patrimoine algérien et un grand lustre suspendu en cristaux Swarovski, meublent la salle.

La démesure est ressentie sous tous ses aspects dès l’entrée. Avec son échelle colossale, l’ampleur des volumes, la multiplication des composantes, la noblesse des matériaux luxueux et la variété des séquences spatiales se succédant jusqu’à la grande salle de prière, l’échelle humaine prend une autre dimension.

Au-delà de sa dimension politique marquant l’ère du président Bouteflika et s’affichant comme le nouveau symbole de la capitale algérienne, la Grande Mosquée d’Alger représente aujourd’hui un style architectural identifié ces dernières années dans le monde islamique où le cachet arabo-islamique de l’Afrique du Nord se marie avec un style contemporain minimaliste. Le mérite des architectes concepteurs revient à la réussite du savant dosage entrepris entre l’usage des motifs islamiques avec une note algérienne stylisée et le recours à des volumes géométriques avec des lignes épurées. Le courant architectural contemporain se cherche dans un esprit qui s’offre la capacité de s’associer à tous les styles historiques tout en soulignant la prévalue de la fonction et du minimalisme sobre à la limite de l’austérité.

La grande mosquée d’Alger reste un monument intéressant au niveau architectural pour toute la complexité à entrevoir dans ce projet. La technicité dans sa conception et sa réalisation n’occulte pas l’origine du projet où l’objectif affiché d’offrir une mosquée aux fidèles algérois cache celui d’afficher symboliquement au monde entier la gloire de l’Algérie capable de bâtir de grands monuments qui s’inscrivent dans l’histoire de l’humanité avec tant de superlatifs ; le plus haut, le plus novateur, l’une des plus grandes.

Article écrit pour ArchiMag.tn par Rami Khayati Architecte et Enseignant à l'ENAU, qui aime partir à la découverte des architectures contemporaines et se  sert de son appareil photo pour capturer ses ambiances de jour comme de nuit.

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