Djerba : témoignage d’un mode d’occupation d’un territoire insulaire
Ce bien en série est le témoignage d’un schéma de peuplement qui se développa sur l’île de Djerba autour du IXe siècle dans un environnement semi-aride et déficitaire en eau. Sa principale caractéristique était une densité faible : elle impliquait le découpage de l’île en quartiers regroupés économiquement autonomes, reliés les uns aux autres, ainsi qu’aux lieux de culte et de commerce de l’île, par un réseau de routes élaboré. Issu d’une combinaison de facteurs environnementaux, socioculturels et économiques, le schéma distinctif de peuplement et d’occupation des sols de Djerba illustre la manière dont les populations locales ont adapté leur mode de vie aux conditions et à leur environnement naturel pauvre en eau.
Le Comité du patrimoine mondial de l’Unesco a approuvé aujourd’hui 18 septembre 2023, le dossier de Djerba. Une nouvelle qui vient juste d’être annoncée durant la 45ème session tenue à Riyadh, en Arabie saoudite.
Ainsi, à compter du 18 septembre 2023, date à laquelle cette décision a été prise, Djerba est officiellement inscrite sur la liste des sites du patrimoine mondial de l’Unesco.
Notons que le dossier de Djerba comprend une liste de 31 sites et monuments, tous caractérisés par leur architecture et leur urbanisme exceptionnels. De plus, ils reflètent la diversité religieuse et sociale des habitants de l’île de Djerba.
Quels sont les critères d’admission ?
En effet, les sites doivent avoir une valeur exceptionnelle universelle et satisfaire au moins l’un des dix critères de sélection.
Jusqu’à la fin de l’année 2004, les sites du patrimoine mondial étaient sélectionnés sur la base de six critères culturels et de quatre critères naturels. Avec l’adoption des lignes directrices opérationnelles révisées pour la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial, il n’existe désormais qu’un seul ensemble de dix critères.
Pour qu’un bien soit inclus sur la liste du patrimoine mondial, le Comité du patrimoine mondial doit estimer qu’il satisfait à un ou plusieurs des critères suivants : représenter un chef-d’œuvre du génie créatif humain, témoigner d’un important échange de valeurs humaines, sur une période de temps ou au sein d’une zone culturelle du monde, concernant l’évolution de l’architecture, de la technologie, des arts monumentaux, de l’urbanisme ou de l’aménagement du paysage, constituer un témoignage unique ou au moins exceptionnel d’une tradition culturelle ou d’une civilisation vivante ou disparue, être un exemple exceptionnel d’un type de construction, d’un ensemble architectural ou technologique, ou d’un paysage illustrant une (ou des) étape(s) significative(s) de l’histoire humaine, être un exemple exceptionnel d’une implantation humaine traditionnelle, d’une utilisation des terres ou de la mer représentative d’une culture (ou de cultures), ou d’une interaction humaine avec l’environnement, en particulier lorsqu’elle devient vulnérable sous l’effet de changements irréversibles, être directement ou tangiblement associé à des événements ou à des traditions vivantes, à des idées, ou à des croyances, à des œuvres artistiques et littéraires d’une signification universelle exceptionnelle (le Comité estime que ce critère devrait de préférence être utilisé en conjonction avec d’autres critères), contenir des phénomènes naturels superlatifs ou des zones d’une beauté naturelle exceptionnelle et d’une importance esthétique, être un exemple exceptionnel représentant les principales étapes de l’histoire de la Terre, y compris le registre de la vie, des processus géologiques en cours significatifs dans le développement des formes terrestres, ou des caractéristiques géomorphologiques ou physiographiques significatives, être un exemple exceptionnel représentant des processus écologiques et biologiques en cours significatifs dans l’évolution et le développement des écosystèmes et des communautés terrestres, d’eau douce, côtières et marines, de plantes et d’animaux , contenir les habitats naturels les plus importants et significatifs pour la conservation in situ de la diversité biologique, y compris ceux qui abritent des espèces menacées ayant une valeur exceptionnelle universelle du point de vue de la science ou de la conservation.
Qu’est ce qu’un patrimoine culturel ?
Selon la Convention du patrimoine mondial, sont considérés comme patrimoine culturel les éléments suivants :
Monuments : œuvres architecturales, œuvres de sculpture monumentale et de peinture, éléments ou structures d’origine archéologique, inscriptions, habitations troglodytiques et combinaisons d’éléments, qui ont une valeur exceptionnelle universelle du point de vue de l’histoire, de l’art ou de la science ;
Groupes de bâtiments : groupes de bâtiments distincts ou reliés entre eux qui, en raison de leur architecture, de leur homogénéité ou de leur place dans le paysage, ont une valeur exceptionnelle universelle du point de vue de l’histoire, de l’art ou de la science ;
Sites : œuvres de l’homme ou œuvres combinées de la nature et de l’homme, ainsi que des zones comprenant des sites archéologiques qui ont une valeur exceptionnelle universelle du point de vue historique, esthétique, ethnologique ou anthropologique.
Que signifie cette classification ?
La Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO est une liste prestigieuse de sites du monde entier qui ont été reconnus comme ayant une valeur exceptionnelle universelle.
La principale raison de l’établissement de la Liste du patrimoine mondial est d’identifier et de protéger les sites d’une importance exceptionnelle pour l’humanité. Ces sites comprennent des monuments culturels, des merveilles architecturales, des sites archéologiques, des paysages naturels, voire des villes entières.
L’inscription d’un site sur la Liste du patrimoine mondial signifie sa valeur exceptionnelle pour l’humanité et la nécessité de le préserver pour les générations futures. Elle vise également à sensibiliser le monde entier à l’importance de la préservation de ces sites, à promouvoir la coopération internationale pour leur conservation et leur gestion. Le statut de site du patrimoine mondial entraîne souvent une augmentation du tourisme, une appréciation de la culture et un développement durable dans la région.
La Liste du patrimoine mondial de l’Unesco est un effort collectif pour découvrir, protéger et célébrer les endroits les plus extraordinaires du monde, en favorisant un sentiment de responsabilité mondiale pour leur préservation et leur appréciation.
Un rapport bien ficelé
« Une équipe d’experts tunisiens a élaboré un rapport technique détaillé qui répond à toutes les exigences formulées dans le rapport des experts du Conseil international des monuments et des sites et de l’Internationale des monuments et des sites. Lequel rapport comprend une liste de sites et monuments, tous caractérisés par leur architecture et leur urbanisme exceptionnels », lit-on dans le même communiqué.
Il faut rappeler à cet égard que le dossier de Djerba – une petite île d’une superficie de 514 km² et qui occupe l’une des positions les plus stratégiques au cœur de la Méditerranée, est célèbre depuis l’Antiquité, puisque le héros de Homère, Ulysse, y fit escale – était bien ficelé et qu’il ne fallait pas déployer beaucoup d’effort pour « vendre » son dossier.
Urbanisme « exceptionnel »
En effet, les 24 monuments proposés à l’inscription sont implantés partout sur l’île et témoignent de l’architecture exceptionnelle de cette île nichée au sud de la Tunisie. Et dont voici quelques-uns des monuments historiques les plus notables :
– La Ghriba, une synagogue qui constitue l’un des principaux marqueurs identitaires des juifs de Djerba qui abrite l’une des dernières communautés juives vivantes du monde arabe. Elle fait l’objet d’un pèlerinage annuel, à l’occasion de la fête juive de Lag Ba’omer, rassemblant plusieurs milliers de pèlerins. C’est aussi l’une des principales attractions touristiques de l’île de Djerba. Sa renommée est basée sur les nombreuses traditions et croyances qui soulignent son ancienneté et le fait qu’elle contiendrait des restes du Temple de Salomon.
– Borj El K’bir : une forteresse ottomane construite au 15ème siècle pour protéger l’île contre les attaques extérieures.
– Houmt Souk : la médina de Houmt Souk est la principale ville de Djerba et abrite de nombreux bâtiments historiques, des ruelles étroites, des souks animés et une atmosphère authentique.
– Musée de Guellala : ce musée est situé dans le village de Guellala et présente une collection d’objets artisanaux locaux, notamment des poteries et des articles en terre cuite.
– Le Phare de Taguermess : ce phare historique est situé sur la pointe nord-est de l’île et offre une vue spectaculaire sur la mer Méditerranée et les environs.
– La Mosquée Fadhloun : cette mosquée ancienne est un exemple de l’architecture islamique traditionnelle et est ouverte aux visiteurs non-musulmans à certaines heures.
– Les Menzels : de grandes maisons traditionnelles en terre qui sont typiques de Djerba. Certaines d’entre elles ont été préservées et peuvent être visitées pour découvrir l’architecture et le mode de vie locaux.
– Le Musée de Djerba : ce musée offre un aperçu de l’histoire et de la culture de l’île, avec des expositions sur l’archéologie, l’art et les traditions locales.
Diversité religieuse et sociale
A noter également qu’avec ses mosquées, ses églises et ses synagogues, l’île de Djerba reflète la diversité religieuse et sociale et représente, selon le responsable onusien, Éric Falt, « un témoignage exceptionnel d’un schéma de peuplement unique et d’une adaptation humaine remarquable, à travers les siècles, aux contraintes d’un environnement marqué par la rareté de l’eau et de nombreuses menaces venues de la mer ».
Faut-il enfin rappeler que l’inscription d’un site sur la liste du patrimoine mondial offre d’indéniables avantages, puisque ces monuments historiques sélectionnés à Djerba la douce, en raison de leur importance exceptionnelle, oblige les gouvernements et les communautés locales à prendre des mesures de conservation rigoureuses. Cela garantit que ces sites demeurent intacts pour les générations futures.
De plus, l’inscription d’un site sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO est souvent suivie d’une augmentation du tourisme. Cependant, ce tourisme est généralement géré de manière durable. Ce qui signifie qu’il est réglementé pour minimiser les impacts négatifs sur l’environnement et les communautés locales.
Sources : Unesco, Business News, L’Economiste Maghrébin