Archi-Mag rend compte d’un projet architectural discret, taillé à la force des mains, et reprenant une expression architecturale locale et austère. Son appareillage en pierre de moellons le fait fondre dans l’architecture locale. Sans grandes prétentions, et avec des moyens et une main d’oeuvre nichés localement, ce musée reflète une parfaite symbiose entre le village et ce nouveau corps.
L’architecte a su faire une synthèse intelligente utilisant les moyens de construction locaux, tenant en compte les contraintes et les conditions de travail sur le site. En effet, le site du musée est inaccessible aux camions, et aux engins en général.
Tout a été construit avec la force des bras et acheminé en brouette. Du coup les habitants se reconnaisent dans cette petite oeuvre qui leur apporte des visiteurs et de la curiosité.
On a su de la sorte atisfaire les aspirations des habitants de Kesra. Utilisant une technologie « locale » et des matériaux disponibles dans la région même. Le façonnage et la taille de la pierre a été une occasion pour réutiliser une technique constructive ancestrale dans un projet nouveau.
Les habitants se sentent eux mêmes responsables de ce musée. Ils sont fiers de son architecture qui reflête leur vie et leur patrimoine. Une certaine symbiose berce ce projet et instaure les habitants en gardiens de cette arhitecture.
Du coup, ce n’est pas l’individualité de l’architecte qui ressort dans ce projet, mais plutôt sa capacité à comprendre le patrimoine bâti local, utilisant les traditions locales, tenant compte des conditions du climat et de la région, satisfaisant de la sorte les besoins et les aspirations de ses habitants.
Dans un paysage de verdure couvert par une variété de figuiers, apparaît « Kesra » (délégation de Siliana, au nord-ouest de la Tunisie) sur une montagne rocheuse de plus de 1000 mètres d’altitude. Situé au sommet de la colline et au beau milieu du village berbère, entouré par les habitations en pierres, le musée a son charme bien particulier, il est creusé dans les pierres.
Après de longues années au cours desquelles des artisans et des maîtres, tailleurs de pierre, ont été à l’oeuvre, ce projet a enfin pris forme sur une superficie totale de 436 mètres carrés, avec une terrasse de 135 mètres carrés, offrant une vue panoramique imprenable sur la forteresse de Kesra et son plateau connu pour ses pierres marbrières.
Moyennant un coût global de 650 mille dinars, le musée vise à mettre en valeur les traditions de la population de cette région en déclinant son art de vivre.
En tout, 176 pièces et objets antiques, artistiques et techniques racontent le savoir-faire culinaire de cette région et font découvrir sa poterie modelée et les ustensiles de la cuisine traditionnelle de Kesra, qui a connu une succession de civilisations punique, byzantine et romaine. Se voulant un espace vivant, le musée raconte certains aspects des traditions agricoles en donnant par exemple un aperçu du processus de transformation du lait.
Les spécificités typiques de cette région sont évoquées, d’autre part, dans les rituels de la naissance, de la circoncision et de la mort, en offrant au visiteur de voir les outils et les matériaux utilisés en de pareilles circonstances.
L’un des pavillons dévoile des échantillons d’encens pour éloigner le mauvais oeil. La nouvelle caverne patrimoniale réserve un décor au tissage de Kesra, aux costumes de mariage et au trousseau de la mariée « Kesaroise » et aux bijoux qu’elle porte.
Dans le cadre de la conception muséographique moderne, le musée vise à renforcer le volet culturel en créant un lieu de spectacle et d’animation ludique et didactique, en réservant une salle de projection et une salle à de prochaines manifestations, dans le but d’apporter une certaine ressource culturelle dans cette délégation. En effet, précise le ministre, un grand effort devra être engagé dans la période à venir pour faire connaître ce nouveau lieu de conservation du patrimoine historique et culturel afin de pouvoir le rentabiliser et l’intégrer dans les circuits du tourisme culturel.
Le musée de Kesra est le deuxième du genre dans le gouvernorat de Siliana, après celui de Makthar, situé à environ une quinzaine de kilomètres, et qui renferme une variété de pièces antiques racontant l’héritage des civilisations. En attendant le musée régional des outils agricoles traditionnels de Siliana.
Ce musée comporte trois grands thèmes. Le premier met en valeur les traditions populaires et le travail artisanal féminin (poterie, tissage). Le second montre les coutumes de Kesra en matière de rites de passage de la naissance à la mort. Enfin, le troisième thème s’intéresse aux bijoux et aux symboliques qu’ils véhiculent.
Situé au niveau du village perché (l’ancienne Kesra Legdima), le musée s’intègre superbement aux lieux et se caractérise par une architecture austère qui se fond dans le paysage. Construit selon les traditions de Kesra, ce musée côtoie les vestiges de la forteresse byzantine de l’antique Chusira et domine des plaines verdoyantes.
Dernier acte du mois du patrimoine 2009, l’inauguration du musée de Kesra souligne l’évolution constante de la politique muséographique et sa diffusion selon diverses déclinaisons sur l’ensemble du territoire. Ainsi, après le musée récemment inauguré à Djerba sur le thème des arts et traditions, c’est au tour de Kesra d’entrer dans la dynamique du tourisme culturel.
Désormais, l’histoire de l’antique Chusira de la cité numide qui faisait partie de l’une des provinces les plus urbanisées du royaume de Massinissa (la Tusca avec plus de 50 cités) sera jalousement conservée. Perchée sur un site situé à 1.078 m d’altitude, Kesra est la seule localité antique de la région à survivre jusqu’à nos jours.
Elle a joué un rôle important dans l’histoire de la région et jusqu’en 1887, année de la fondation de Makthar, la petite ville où s’étaient fixés les Maures chassés d’Andalousie et de nombreux juifs. Les rues en escalier, emblème du village, existaient déjà à l’époque romaine; les murs des vieilles maisons pullulent d’inscriptions libyques, puniques et latines.
Dans le village, deux ensembles archéologiques coexistent : l’un protohistorique, hors des quartiers actuels, et l’autre inséré dans la zone urbaine. Les premiers consistent en une série de monuments mégalithiques aux plans polygonaux, dont certains ont conservé leur couverture en grosses dalles ainsi que des tombeaux creusés dans le roc.
Les autres monuments, d’époque byzantine, construits avec des matériaux antiques, tels une forteresse quadrangulaire d’époque justinienne , des remparts et une tour sont aujourd’hui englobés par les habitations du village. Il y a eu également la réutilisation des blocs mégalithiques des dolmens situés sur la croupe rocheuse. Des escaliers taillés dans le roc permettent d’accéder au plateau où se trouve la zaouia de Sidi Ameur.
Autre caractéristique du village, la beauté de ses panoramas qui s’étendent à perte de vue et par la luxuriance, exceptionnelle dans cette partie du pays, de la végétation. La forêt constitue un massif d’un seul tenant de pins d’alep et de chênes rouvres; au centre du plateau, un petit lac est entouré de cultures maraîchères. On compte dans cette région une vingtaine de sources qui érigent des vergers dans un système de canalisation fort originale.
Les experts s’attachent actuellement à rassembler divers récits écrits, des accessoires usuels ou d’apparat spécifiques de la région afin d’équiper le musée en question. Ils exposeront également quelques aspects spécifiques de la région, comme sa grande variété de figues, unique en Tunisie.
Un crédit de 370.000 dinars a été nécessaire pour achever la construction du musée. Cependant, le musée de Kesra entre dans le cadre d’un grand projet qui met en valeur les richesses archéologiques et historiques de tout le gouvernorat de Siliana, qui couvre une superficie de 4.642 km2.
Article publié sur ArchiMag le 2 mars 2010