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Vadrouille architecturale 1 : Kairouan

by Ryma Ben Younes

En ce premier Dimanche d’Octobre 2021, nous nous sommes retrouvés entre passionnés d’architecture et d’histoire à la ville de Kairouan. La journée débuta par un petit déjeuner face à la Grande Mosquée de Kairouan dans une ambiance conviviale, nous permettant de retrouver les amis kairouanais, de se reposer de la route et de reprendre des forces pour la balade remplie de découvertes qui nous attendait.



Le groupe des vadrouilleurs pendant le petit déjeuner à El Brija. Photos des Vadrouilleurs

La première étape fut l’incontournable Jmaa Oqba (جامع عقبة بن نافع). Cette mosquée a été construite par Oqba Ibn Nafi à partir de 670 (correspondant à l’an 50 de l’hégire). Elle est agrandie et reconstruite aux VIIIème et puisau IXème siècles, sous le règne de des Aghlabides, avec de grands travaux de reconstruction et d’aménagement qui donnent à la mosquée sa physionomie actuelle (datant de la dernière reconstruction de 836). Elle est considérée, dans le Maghreb, comme l’ancêtre de toutes les mosquées de la région, aussi bien que l’un des plus importants monuments islamiques.


Fig1: Plan de Kairouan en 1916 , source: Hachette et Cie, Paris.

Ses points forts, architecturalement parlant, sont:

            –  son  allure de forteresse, par ses murs massifs de couleur ocre de presque deux  mètres d’épaisseur (composés de pierres et de briques cuites), par son minaret tour d’observation, par les tours pleines des angles, par ses porches monumentaux parfois couverts de coupoles et par les contreforts de son enceinte.

– la salle de prière (agrandie vers 863), qui compte 17 nefs, avec son portique sud à coupole et sa coupole côtelée sur trompes en coquille du mihrab.

– la cour avec ses portiques ouverts par des arcs outrepassés (apparus pour la première fois avec la mosquée), soit en plein cintre soit brisés, qui sont soutenus par des colonnes de marbres divers, de granite ou de porphyre. Les bases, fûts et chapiteaux sont, dans leur grande majorité, remployés de monuments romains, paléochrétiens ou byzantins provenant de plusieurs sites antiques. Ce réemploie des colonnes antiques variées ne perturbe aucunement l’unité d’ensemble.


La cour et ses éléments. Photos des Vadrouilleurs

– l’innombrables détails architecturaux et ornementaux très variés comme les moulures des arcs couronnée d’un nœud à la clef, les impostes munies de corniches, les colonnes jumelées adossées à des piliers, les arcades aveugles, les portes en fer à cheval brisé, les fenêtres variées, les panneaux sculptés, les collecteurs d’eau de pluie, les différents plafonds ouvragés….

– le minaret, considéré comme étant le plus vieux du monde musulman, occupe le portique nord de la cour. Il a une hauteur de 31,5 mètres et il est constitué de trois niveaux dégressifs superposés dont le dernier est coiffé d’une coupole. Certains historiens évoquent sa référence à l’ancien phare d’Alexandrie.

– les cadrans solaires: Près du centre de la cour se trouve un cadran solaire horizontal à quatre gnomons, datant de 1842, auquel on accède par un petit escalier. Un autre cadran solaire, plus petit, est plaqué verticalement en haut de l’un des chapiteaux du portique oriental.

– le minbar en bois finement sculpté et le mihrab décoré de carreaux de céramique à reflets métalliques

Fig3: Le minbar avant sa restauration au début du XXème siècle, photographie extraite d’un ouvrage datant de 1887. Source:  collection « Mechanical Curator » 

Fig4: le mihrab, datant du IVème siècle; céramique lustrée, marbre sculpté et bois peint. Photo de  Issam Barhoumi. 

Modélisation. Source:  Wikipédia

En sortant de la mosquée, les yeux pleins d’images, nous nous sommes enfoncés dans les ruelles de La Médina et plus précisément le quartier Houmat al-Jâmi (« quartier de la Grande Mosquée ») découvrant des petites merveilles dans ses différents recoins et profitant des récits, précisions et anecdotes de notre collègue Anas Nagatti, natif du quartier et grand passionné de l’histoire de sa ville.

Au cours de ce tour, nous avons pu admirer (de l’extérieur) des masdjids, des mausolées, des sabbats, des détails architectoniques ingénieux,… jusqu’à aboutir à la place J’raba et le quartier des tisserands venus de l’île de Djerba au sud de La Tunisie avec leur savoir faire et leurs métiers horizontaux pour y fabriquer des étoffes dont le tissu hayek indispensable pour l’habit traditionnel des kairouanaises.


Place J’Raba et ses tisserands. Photo des vadrouilleurs

En prolongement de cette grande place urbaine, nous découvrons la mosquée des trois portes, (également connue sous le nom de mosquée Ibn Khayrun /مسجد ابن خيرون) élevée au IXème siècle (an 866). Elle possède la plus ancienne façade de mosquée sculptée et décorée du monde islamique. Il s’agit d’un simple oratoire de quartier édifié par un commerçant andalou installé à Kairouan. Vers 1440, à l’époque hafside,, la mosquée connaît des travaux de restauration avec l’ajout d’un petit minaret

La mosquée des trois portes. Photo des vadrouilleurs

Fig5: Plan de la mosquée des 3 portes d’après Creswell. Source:  Les oratoires de Kiarouan, Faouzi Mahfoudh

Dans les environs nous visitons d’autres placettes à plus petite échelle puis les quartiers des menuisiers et des forgerons avant d’aboutir à bir barrouta.


Ruelles de La Médina et ses quartiers. Photo des vadrouilleurs

Ce puits comptant parmi les anciens de Kairouan, est réputé par sa légende qui affirme qu’il serait relié en profondeur au puits sacré de La Mecque Bir Zemzem. Creusé en l’an 796, par le gouverneur abbasside, le puits est abrité dans un édifice dont l’état actuel date de la reconstruction ordonnée par Mohamed Bey El Mouradi en 1690. L’édifice donne sur la rue par deux niches abritant un abreuvoir. L’intérieur est constitué d’une salle carrée accessible par un escalier. Elle est surmontée d’une coupole sur trompes d’angle. Dans la salle, une noria actionnée par un chameau assure l’alimentation du puits en eau. Bir Barrouta constitue l’un des nombreux ouvrages hydrauliques qui assurent l’approvisionnement en eau, pour faire face au manque d’eau résultant du climat semi-aride de Kairouan.

En sortant de Bir Barrouta, nous passons devant la mosquée des hanafites (ou mosquée El Bey) construite vers 1683 au-dessus des souks par le bey mouradite Mohamed Bey  à l’intention de la communauté hanéfite de Kairouan. Elle a un plan irrégulier et se compose d’une salle de prière principale, de trois cours, d’un minaret ainsi que d’une salle de prière réservée aux femmes. L’accès à l’édifice se fait par trois escaliers.

Mosquée El Bey. Photo des vadrouilleurs

Sur la route vers notre prochain monument à visiter, nous longeons la façade de la mosquée Al Ansari, fondée en 669. Elle est antérieure à la mosquée Oqba et compte parmi les sanctuaires les plus vénérables de Kairouan. Selon la tradition, toujours en vigueur, les murs de cette mosquée sont recouvertes de henné par l’apposition des mains des jeunes mariées sur ses murs.  Cette coutume vaut à la mosquée Al Ansari d’être surnommée « Lemhennia  » (la mosquée recouverte de henné).

Mosquée Lemhennia. Photo des vadrouilleurs

Nous clôturons notre balade matinale avec le mausolée de Sidi Amor Abada (décédé en 1855), édifié vers 1872. Le monument renferme le tombeau de l’artisan, artiste et homme vénéré par la population lui attribuant des pouvoirs surnaturels, qui a exercé la profession de maître forgeron.

L’édifice majestueux imprègne le visiteur d’une atmosphère feutrée et apaisante. Il est couvert de six coupoles sur trompes côtelées dites de style kairouanais. L’intérieur du monument, dont les murs très massifs comprend un dédale de galeries et de salles. La salle principale de la zaouïa, abritant le tombeau a été aménagée en musée qui expose des œuvres ayant appartenu à Sidi Amor Abbada ou réalisés par lui; des pièces extravagantes et démesurées, datant de la première moitié du XIXème siècle et portant pour certaines d’entre elles des inscriptions en écriture cursive comme de très lourds sabres en fer forgé couverts de fourreaux en bois massif, des ancres géantes, d’énormes coffres, des portes gravées…

Fig 6: Sidi Amor Abada, ancienne carte postale et plan affiché au musée.

Sidi Amor Abada, Photo des vadrouilleurs

Après notre pause déjeuner entre collègues et en famille dans un joli cadre d’une ancienne maison restaurée, celle du gouverneur kairouanais Abderrahmen Zarrouk, un repérage de certains projets contemporains de nos collègues a été fait pour nous permettre, une fois les données réunies, d’écrire prochainement des articles les présentant dans notre rubrique « Projets ».


Maison restaurée du gouverneur Abderrahmen Zarrouk Abada, Photo des vadrouilleurs

En fin de journée, nous nousrendons à la mosquée du Barbier, connue sous le nom de mausolée de Sidi Sahabi. Le monument, élevé probablement aux XIIIème et XIVème siècles, est entièrement agrandi et rénové au XVIIème siècle par les beys mouradites. La mosquée du Barbier est un vaste complexe qui comprend plusieurs cours, le mausolée proprement dit qui abrite le tombeau du compagnon et barbier du prophète Abou Zamaa el-Balaoui, une médersa, un entrepôt, ainsi que plusieurs pièces destinées à l’hébergement des visiteurs.

Cet ensemble architectural est l’une des illustrations des différents apports hispano-mauresques, italianisants, turques…, sur le plan ornemental, qui caractérisent La Tunisie à l’époque ottomane et qui se sont mêlés aux traditions locales de l’école architecturale kairouanaise pour en créer une identité originale.

Mosquée du Barbier, Photo des vadrouilleurs

Notre vadrouille se clôture par la visite aux Bassins extramuros des aghlabides, (فسقية الأغالبة) considérés comme les plus importants ouvrages hydrauliques de l’histoire du monde musulman et datant de la deuxième moitié du IXème siècle (860-862), où nous avons pu admiré les reflets du soleil couchant sur Kairouan.

Les bassins des aghlabides, ancienne photo aérienne

Les bassins aghlabides le 07-11-2021

A la tombé de la nuit nous reprenons la route vers nos différentes régions respectives en amenant dans nos esprits des images, des sourires et des souvenirs de cette belle ville de notre si riche et si chère Tunisie.

Archimag et les vadrouilleurs

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