Par Ghada CHERIF et Nawal BENHSAIN, architectes
Situation :
C’est la plus grande demeure située à la rue Sidi Maouïa. Cette ruelle tournant à l’angle droit, débouche d’un côté sur la rue Achour et de l’autre sur rue El-Monastiri.
Cette demeure à proximité de la madrassa voisine (construite aux alentours de 1159 de l’Hégire / 1746-1747 par Ali Pacha), on y est séparée par la rue Achour et à proximité de la mosquée de Sidi Mehrez.


Configurations de la demeure :
Entrée :
Elle a l’aspect moderne en particulier Italien du début du XXème siècle. Elle est composée d’une driba et de deux skifas qui conduisent à la cour intérieure.
La cour intérieure :
Elle est à la fois représentative de la cour traditionnelle des demeures tunisienne et une copie des patios italiens.
Les appartements :
Rez-de-chaussée :
A l’exception du salon européanisé qui donne sur le premier portique, les trois autres chambres – appartements, on a gardé la traditionnelle morphologie, en y conservant la disposition en T.
Etage :
» L’étage possède comme le rez-de-chaussée, une salle d’apparat plus spacieuse et mieux décorée que les autres, bît bel-kbü ü mkäser, dans laquelle les panneaux de faïence tunisoise et les frises de stuc servent également de cadre à un mobilier étincelant de dorures glaces verrerie. » » De même s’est-on enhardi à une certaine excentricité dans la forme de l’ornementation des plafonds de bois peint : plat et parsemé d’étoiles sur fond bleu dans la salle longue, disposé en ombrelle (skef-sahaba) ornée de motifs italianisants au-dessus du kbü. » (1).
Communs :
Au-delà de l’habitation des maîtres se trouve celle des domestiques donnant sur la courette barreaudée de la dwiriya. Celle-ci dispose de bït al-müna, des cuisines et d’un hammam (pour les maîtres de la maison.).
Méthodologie :
Description poétique (subjective)
C’est une description qui rend compte des premières impressions qu’on peut avoir dès la première confrontation avec un espace donnée.
Description objective
C’est la description des lieux, la plus objective et la plus fidèle de la réalité des lieux. Cette description tient compte des configurations de l’espace à décrire de leur position dans l’entité qu’on analyse (maison d’apparat), ainsi que leur position par rapport aux autres conformations (les différentes unités) de la même entité.
Cette description regroupe toutes les unités de l’entité qu’on a choisis pour analyser (Entité 2: Maison d’apparat), à savoir :
o La cour
o Le Bit 1
o Le Bit 2
o Le Bit 3
o Le Bit 4
Identification des articulations
C’est l’identification de l’ensemble des articulations de l’entité à analyser. Cette identification donnera un premier aperçu sur les différents modes d’articulation qu’on peut avoir au sein d’une même entité.
Analyse des articulations
L’analyse de l’ensemble des articulations sera établit pour rendre compte des différentes oppositions homologues tel que : intérieur / extérieur ; espace homme/ espace femme ; espace privé / espace publique ; clair/ obscure ; cette analyse sera le résultat de l’usage des espaces, de leur conformation et configuration spatiale (Ambiance lumineuse, qualité physique de l’espace) .
Le modèle de Dar Chérif: un système de manifestation
L’établissement du système de manifestation, va nous rendre compte des différents effets de sens, liéaux références du modèle lors de son élaboration comme système de représentation et d’expression. Ce modèle sera élaboré par rapport aux écrits de U. Eco de son ouvrage » Le signe « .
Structure du modèle de Dar Chérif
L’établissement de la structure du modèle sera élaboré par rapport à notre connaissance des maisons Tunisoises en référence aux travaux de J. REVAULT, et par rapport aux travaux de M. DHOUIB.
Identification de la prégnance prédominante
C’est l’étape synthétique, où on va essayé d’expliquer par rapport aux remarques qu’on a relevé lors de toutes les étapes précédentes , le Comment de Dar Chérif : » La maison Dar Chérif :Un complexe harmonieux d’une architecture traditionnelle et moderne à la fois » . La conclusion sera tirée de l’analyse des différentes articulations pour expliquer toutes les descriptions de Dar Chérif.

Description poétique (subjective)
Dès l’entrée, on remarque que la grande porte de cette maison ne ressemble pas aux portes qu’on a l’habitude de voir dans la médina de Tunis : où sont ces belles portes peintes jaune bleu marron avec les clous noires qui marquent dans leurs constellations le savoir faire du géni humain? cette maison n’est peut être pas aussi belle et aussi grande qu’on le prétend. Mais non c’est peut être un autre registre de maisons, toutes les ouvertures qui donnent sur l’extérieur sont très grandes pour une architecture introvertie. Il vaut peut être mieux entrer pour juger et puis si le chemin se construit en marchant, comment le montrer avant d’avoir marché ?
Noyé dans l’ombre des skifas, on imagine le pire au bout de cette obscurité. Mais voilà qu’une lumière nous ébloui et comme transporté on se retrouve dans un autre monde, un monde où la beauté, la majesté, l’authenticité et l’originalité se conjuguent pour donner l’une des plus belles demeure de Tunis. Face à tant de beauté, on n’a perdu notre sens de l’identification, un sens si cher aux architectes, et on s’accordait tous pour dire que c’est une maison riche par tous ses empreints et toutes ses mutations à travers le temps.
Les uns disent : c’est une demeure Tunisoise qui respecte les traditions ancestrales de l’architecture arabo-musulmane, il vous suffit de voir la cour et les chambres en T pour vous rendre compte de cette évidence, il y a aussi les cadrages des portes et des fenêtres. Les autres disent : non cette demeure ressemble aux palais d’Italie, regardez c’est un patio Italien si ça se trouve il y avait des statuettes ici devant ces colonnes sur ces socles, et regardez ces faïences c’est Italien à n’en pas douter. D’autres disent : c’est peut être une demeure qui était à la base traditionnelle et qui à force de transformer d’additionner et de soustraire, ses propriétaires ont fait d’elle une sorte de » maison Hybride » vous savez comme les êtres mythiques moitié homme moitié cheval ; c’est une maison magique et envoûtante. Malgré le côté pittoresque de cette dernière proposition, on s’est tous lancé pour explorer la maison afin de découvrir ses secrets cachés.
Les chambres en T au nombre de trois offrent le goût le plus prononcé du raffinement, la mixture la plus équilibrée de dorures de couleurs et de motifs. Ces espaces sentent l’odeur de la richesse. On peut facilement imaginer de belles femmes, à l’image des peintures orientalistes, rondes et à la fois raffinée, se pavaner dans les chambres, se regarder dans de beaux miroirs grands et scintillants, se rouler dans des tissus de sois et de velours. On pourrait même entendre leurs rires, groupées pour boire du thé ou du café turc dans le Kbou de la chambre de droite (bit 2) ; on pourrait sentir leur gène et écouter leurs voix étouffées quand le chef spirituel de la famille (le père) reçoit ces invitées dans la belle chambre d’en face ( Bit El Kabîr Bit 3), » mais pourquoi ne reçoit-il pas ses invités en haut ou alors dans la chambre occidentale ( Bit 4) au lieu de nous importuner et de nous gêner de cette manière ? Oh les hommes, on ne sait jamais à quoi s’en tenir avec eux » disait l’une d’entre elles. Que voit-on, c’est une autre femme qui veut sortir. Les femmes avaient-elles le droit de sortir aussi fréquemment autre fois ? Apparemment oui. Celle-ci se faufile directement par une porte de sortie qui donne sur le jardin arrière de la maison. Ce qu’elles peuvent être rusées les femmes ! Et ce petit garçon qui pleure, il veut sûrement dormir : on peut dormir dans les chambres en T (bit hajem) sur les grands lits (frouchet) à l’abri de la lumière de la cour du dehors.
Dans la Douirya la trace des servantes, qui ont sué pour bien servir leurs maîtres, est ressenti à travers les murs en pierres réfractaires et les noirceurs des fumés. Ces murs S’il pouvaient parler, ils pourraient nous dire combien de nuits les domestiques ont veillées pour préparer les fêtes grandioses. Mais que voit-on ici, un talisman enfoui dans le mur du hammam ! Il faut dire qu’avant, on avait très peur des mauvais esprits surtout dans les hammams.
A l’étage, on découvre une autre ambiance comme si on avait voyagé dans la machine à remonter le temps pour découvrir des chambres, tel qu’on les connaît maintenant. Il y a même des journaux des années quarante qui marquent le passage récent des occupants de la maison. Une porte magique qui trompe l’œil, c’est par là que cet homme vient de sortir. C’est une réunion secrète. Tous ces hommes sont regroupés pour discuter de l’avenir de la nation.
Envahis par un sentiment de peur, on a préféré descendre pour ne pas tourmenter les esprits du passé. Un passé prestigieux qui fait rêver, qui nous envoûte et qui nous démontre une fois de plus le géni humain de l’architecture d’autant. Cette maison n’est peut être pas un être hybride mais c’est une créature tout aussi magique. Cette maison ressemble à un Félix qui renaît de ces cendres pour nous faire part d’une leçon d’architecture.
Description objective:

La Cour
Il s’agit d’un patio de forme quadrupède, orienté Nord-est / Sud-ouest.
On rentre par la skifa2 au patio sous le premier portique, c’est-à-dire par le coté Nord-Est.
On se trouve alors à l’intérieur d’une cour dont les murs se couvrent, sur son premier niveau, par de la faïence verte à deux plages de motifs différents, séparées par une frise :
-Le premier motif très dense est de couleur vert Kaki ; présente des arabesques sous forme d’octogone. Ces faïences carrées sont disposées par rapport à la diagonale. Et s’arrêtent au niveau supérieur des cadres des ouvertures en marbre rose. (fig.2)
-Une frise de faïence limitée par deux bandes (lignes) horizontales de couleur noire brillantes séparant ainsi les deux plages de faïence vertes. La partie centrale de la frise est composée de carreaux de faïence de couleurs plus claires de jaune, rose et bleue (couleur dominante est le bleue) disposés cote à cote en ligne parallèlement aux deux bandes noires. (fig.2)


-La deuxième plage de faïence disposée comme la première à la diagonale présente des motifs plus grands de formes carrées évidés à l’intérieur. Les couleurs sombres de ces motifs (bleu noir et vert bouteille) sur un fond blanc sale, donne à l’ensemble une nuance verte. (fig.2)
Le patio présente à son rez-de-chaussée deux portiques symétriquement opposés. À l’étage une galerie protégée par un moucharabieh jadis bleu en bois et supporté par des fausses colonnes de bois.
Une petite corniche décorative marque la séparation entre les deux niveaux de la cour. Le parterre de la cour est dallé en carreaux de marbre blanc de 50 cm de coté et disposés en biais par rapport aux façades de la cour. Chaque portique est constitué de deux colonnes soutenant les trois arcs en plein cintre. Les colonnes blanches présentent des fûts lisses sur des bases carrées basses (fig.3).
Les chapiteaux de ces colonnes présente un anneau qui joue le rôle de transition avec le fût. Sur cet anneau, on trouve un cylindre lisse décoré par quatre rosasses centrées marquant les quatre points cardinaux de ce dernier. Au dessus de ce dernier, on trouve une couronne au dessus de laquelle se trouve la base carrée d’appui de la naissance des arcs supportés par la colonne, présentant un croissant orienté vers le haut symbolisant l’appartenance à la religion musulmane. (fig.4)
Ce qui persiste de la façade de la galerie, donne au patio un aspect européanisé par sa décoration et ses motifs. En effet, elle présente des fausses colonnes à rainures dans le prolongement des axes de celles du rez-de-chaussée. Entre chaque deux colonnes de bois, on trouve deux petites fausses colonnades du même matériau qui soutiennent elles aussi le cadre de bois. Ce rythme, crée constitue le module des quatre façades de la galerie du patio. (fig.5)

La hauteur du cadre de bois présente trois modules superposés différents :
-Le premier module présente un cadre carré constitué par la superposition de deux surfaces carrées de tailles différentes. Le dernier carré est soit positionné en présentant ses cotés parallèlement au deuxième, soit en biais. Le deuxième carré est présenté dans le premier cas en surface biaisé des quatre cotés, soit dans le deuxième cas en surface carrée plate. L’alternance de ces deux motifs constitue une frise interrompue de temps à autre par des cadres rectangulaires au dessous de chaque fausse colonne représentant vases qu’on retrouve dans les cadres de marbre des portes et fenêtres. (fig.6)
-Le deuxième module présente un cadre de moucharabieh. (fig.5)

-Le troisième module est un cadre carré d’une verrière bleu composée d’un grand carré de verre bleu cyan central et de quatre petit carrés aux quatre angles du grand cadre d’un bleu-roi. Entre ces carrés de verre se trouvent quatre rectangles de la même couleur de la longueur du coté du grand carré et de largeur égale au coté du petit carré. (fig.5)
Ces deux derniers modules sont alternés suivant l’orientation de la façade. Tantôt le cadre de moucharabieh se trouve au deuxième niveau du cadre tantôt en haut. (fig.5 et 7)

Les façades en bois de la galerie sont protégés par des plaques de zinc inclinés vers le centre du patio. Vieillies ces plaques accentues la couleur bleue.
Sur chacune des façades du patio, on constate l’existence de quatre cadres de marbres présentant des motifs identiques. Chaque deux façades opposées sont presque symétriques. Ainsi, la façade de l’entrée qui est la plus courte présente deux cadres de portes, celui de l’entrée et celui du Bit 4, et deux autres cadres identiques de sa fenêtre et du puit. (fig. 7′)
Sur la façade ouest, nous avons deux cadres de fenêtre du Bit 1 et la porte qui se trouve au milieu. Au bout de la façade se trouve la porte d’entrée de la douirya.
Sur la façade sud à l’endroit où se trouvait l’entrée du patio dans la façade opposée, on a une fenêtre symétrique à celle de la Bit 3. La porte de cet appartement est située dans l’axe de l’arc central du portique.
Sur la façade de l’entrée et à sa gauche se trouve une grande pièce presque carrée qu’on va appeler Bit4.
Du coté est du patio se trouve un bit en forme de T très luxueux par ses décorations et donnant accès par l’une de ses maksoura sur le jardin.

À l’angle Sud-est du patio se trouve l’accès à l’étage et au jardin par une porte en bois bleue à double battant (fig.8). Face à cette porte sur l’autre coté du patio, on trouve une porte identique qui mène à la maison de service » La douirya » (dwirya). (fig.9)
Face à l’entrée et au sud du patio se trouve le deuxième appartement de la maison (Bit3) par lequel on peut accéder au hammam, ou à un étage privé. Une partie de cet appartement a une vue sur le jardin de la demeure.
A l’ouest du patio et à droite de son entrée, se trouve un troisième appartement plus modeste que les deux précédents par ses configurations spatiales et son décor (Bit 1).
- Bit 1

Du coté Ouest du patio, se trouve le Bit 1 en forme de T.
Typiquement traditionnel, ce Bit présente une configuration spatiale simple composée de :
– Un Oust el bit éclairé par la porte du Bit ouverte et par une lucarne ou dessus camouflé par un motif de naksh-hadida. A partir du patio on perçoit le vitrail rouge et bleu qui la décore.
Des solives en bois peint et décoré de motifs floraux et de dorures constituent la couverture du plafond de la partie longitudinale du bit.
– Un Kbü, présentant un espace central par rapport à l’axe de la porte, à forme carrée, était couvert apparemment par une coupole qui n’existe plus. Les murs sont couvets d’une faïence bleue et jaune du type arabo-andalou jusqu’au niveau de la limite supérieure des cadres des portes. Une naksh-hadida vient alors couvrir ces murs jusqu’au plafond.

– Deux espaces latéraux en alcôve rappellent par leur disposition les bits hajem mais sont trop petit pour l’être. La trace d’un arc sur chacun des murs latéraux de la pièce, laisse supposer que ces bits hajem étaient plus profonds. De anciens cadres décoratifs de bois, qu’on trouve généralement dans les bits hajem sont encastrés dans ces murs. Ces derniers sont tout simplement peints à la chaux blanche.
– Une maksoura dont l’entrée se trouve sur le coté gauche du bit. Il s’agit d’une pièce à toiture plate présentant un carrelage italien et des murs blancs. Une large fenêtre haute se trouve au milieu de la pièce et ouvre sur la placette. Une deuxième porte de bois à double battant identique à la première, ouvre sur une petite pièce couverte de faïence et ouvre sur la douirya.

– Sur la droite, on trouve une deuxième porte verte en bois à deux battants, identique aux deux autres et présentant quatre grands panneaux et deux petits sur chaque coté (fig. 12). Un de ces cadres détruit laisse percevoir un mur de brique obstruant l’accès à la cave du majen. Le cadre de marbre de cette porte comme celui de la maksoura présente trois croissant sculptés orientés vers le haut : un symbole d’appartenance à la religion musulmane.
- Bit 2
C’est un Bit en forme de T » bel-kbü ü mkaser » dont revetrements muraux sont de type » hispano magrébin « .

Situé sur le coté Nord-est du patio, il bénéficie d’une orientation Sud-ouest (gharbya). Ses conformations spatiales sont traditionnelles sauf pour une pièce. En effet ce bit comprend :
– Un oust el bit éclairé par deux grandes fenêtres qui ouvrent sur le patio (oust dar) et par sa porte d’entrée lorsqu’elle est ouverte. Une petite lucarne semblable à celle du bit 1 est camouflée de la même manière par une naksh-hadida. Une belle faïence du style andalou présente des motifs bleus, jaunes et verts sur un fond blanc( fig. 13), disposée par rapport à sa diagonale, couvre les murs du bit jusqu’au niveau du naksh-hadida. Un joli plafond composé de solives de bois peint de vert et de dorures avec des motifs floraux couvre la partie longitudinale du bit (fig.14).

– Un Kbü parfaitement rectangulaire, dont les murs sont couverts de faïence et de moquarnas. Une belle étagère de bois de couleur verte (fig.15) faisait la transition entre la faïence et les moquarnas.
Un revêtement en bois fait transition entre les moquarnas et le plafond octogonal (fig. 16) en bois (en caisson : » une pseudo coupole « ) , au milieu duquel suspendait autrefois un lustre (fig. 17).


Le décor de ce plafond présente des dorures et des motifs floraux bleu cyan et rouge bordeaux sans faire pour autant dans le figuratif. Deux petites colonnes avec le même motif de croissant(fig.15), à la mi-hauteur encastrés dans le mur, indiquent l’entrée vers un espace d’apparat.
– Bit hajem situé à l’extrémité sud du bit, présente un décor riche. Sous un rideau en arc de naksh-hadida on trouve un joli cadre doré sculpté. Le mur latéral de ce bit hajem contrairement au précédent est couvert de la même faïence que les autres murs (fig.18).

– Maksoura1 dont l’entrée se trouve sur le coté gauche du bit face à sa porte (entrée du bit) ne présente aucune fenêtre ou autre système d’aération. Les murs sont couverts par une faïence apparemment bien ultérieure à sa construction (faïence récente de couleur blanche). Le dallage quant à lui représente des motifs italiens qu’on retrouve dans d’autres espaces de la demeure. Une porte dérobée au fond ouvre sur la maksoura 1′.
– Maksoura 1′ est une pièce typiquement européenne par son articulation avec son bow-window à travers sa grande fenêtre. Son plafond laisse paraître ce qui reste d’un faut plafond construit à l’ancienne manière italienne. Une grande porte à deux battants assure la liaison de cet espace avec le Bit2. On se trouve alors dans le bit hajem2.
– Bit hajem2 n’est plus un lieu de repos où on a d’habitude les grands lits, mais il est ici un espace tampon entre la maksoura 1′ et le oust el bit (fig.18)

– Maksoura2 est une très petite pièce sans aucune ornementation, qui ouvre par une petite porte sur le jardin. Cette maksoura se trouve à deux marches au dessous du jardin. Son plafond présente une voûte croisée de couleur verte avec une clef de voûte (fig. 19).

Bit 3
Face à l’entrée et au sud du patio se trouve le troisième appartement de la maison (Bit3).Cette chambre est orienté Nord-Est, elle devient ainsi bit keblia.
On pouvait accéder au puits du majen par l’intérieur de la pièce. Malheureusement nous n’avons aucune indication sur le type d’ouverture qui y faussait tampon.
Sa conformation spatiale est constituée de :
– Oust el bit éclairé par deux grandes fenêtres et l’ouverture du puits du majen qui ouvrent sur le patio ainsi que par la porte d’entrée lorsqu’elle est ouverte. Une petite lucarne semblable à celles du bit 1 et bit 2 et camouflée de la même manière par une naksh-hadida. Une frise de naksh-hadida présentait une calligraphie sur un font coloré en bleu (fig.20). Une belle faïence du style andalou présente des motifs bleus sur un fond blanc, disposée par rapport à sa diagonale, couvre les murs du bit jusqu’au niveau du naksh-hadida. Un plafond composé de solives de bois peint de vert et de dorures avec des motifs floraux couvre la partie longitudinale du bit.
– Un Kbü parfaitement rectangulaire, dont les murs sont couverts de faïence et de naksh-hadida. Un revêtement en bois fait transition entre la naksha et le plafond octogonal en bois (fig.21), au milieu duquel suspendait autrefois un lustre. Le décor de ce plafond présente des dorures et des motifs floraux bleu cyan et rouge bordeaux sans faire pour autant dans le figuratif.
– Bit hajem1 situé à l’extrémité ouest du bit Sous un arc de naksh-hadida on trouve un cadre doré sculpté. Le mur latéral de ce bit hajem peint en blanc ne présente aucun ornement (fig.22).

– Maksoura1 dont l’entrée se trouve sur le coté gauche du bit, présente des murs peints en vert pastelle. Le dallage quant à lui représente des motifs italiens qu’on retrouve dans d’autres espaces de la demeure. Une deuxième porte face à la première ouvre sur la maksoura 1′.
– Maksoura 1′ : c’est la pièce où se trouve la cage d’escalier qui mène à l’étage privé. Ces escaliers par la manière dont ils sont construits et par l’ambiance lumineuse a l’aspect d’une cage d’escalier d’un immeuble de style colonial. En effet, les murs dénudés présentent des briques qui rappel par leurs organisation et la nature des matériaux, les techniques occidentales.
– Bit hajem2 est un espace tampon entre la maksoura2 et le oust el bit. Malheureusement, il n’existe plus grand-chose de la toiture à ce niveau ni même du cadre de ce bit hajem. Une porte à deux battant identique aux autres portes de ce bit ouvre sur une autre pièce, la maksoura2.
– Maksoura2 est une pièce rectangulaire très lumineuse ( fig.23). En effet, les deux grandes fenêtres qui ouvrent sur le jardin, permettent à la lumière du matin d’inonder la pièce. Même si la faïence présente des motifs hispano-magrébin semblable à celui du oust el bit, la morphologie de la pièce, son carrelage et son faux plafond italien renvoient au registre occidentale. Une porte à deux battant au fond de la pièce mène à la maksoura2′
– maksoura2′ c’est une petite pièce éclairée par une grande fenêtre identique aux deux précédentes. Son carrelage et sa faïence sont semblables à ceux de la maksoura2.
– Maksoura3 est l’espace tampon entre oust el bit et le hammam. Sa porte à double battant, identique aux autres portes du bit se trouve a mi-chemin entre le bit hajem1 et le kbü.
– Bit 4
Cette pièce carrée présente tous les aspects d’un salon européanisé. Son faux-plafond en stuc blanc est construit à la méthode italienne (fig.24). Simple et lisse ce faux plafond finit par une corniche lisse et sans motifs au niveau des arêtes entre le plafond et les murs. A son milieu se trouve une rosasse de laquelle suspendait probablement un lustre.
Son carrelage aussi italien, rappelait par ses motifs celui qu’on trouvait généralement dans les immeubles coloniaux des années quarante cinq / cinquante.
Les deux seules ouvertures de cet espace sont la porte de bois à deux battants et la fenêtre.
Les murs sont peints d’une couleur verte pastelle (qui donne sur le pistache) et les plinthes sont à motifs semblables à ceux du carrelage, sûrement de la même époque.
- Identification des articulations
Patio / Entrée
– Patio / Bit 1
– Patio / Bit 2
– Patio / Bit 3
– Patio / Bit 4
– Patio / jardin
– Patio / Etage
– Bit 1 / Dwiriya
– Bit 2 / Makassers / Jardin
– Bit 3 / Makassers / Hammam
– Bit 3 / Makassers / Etage
- Analyse des articulations
Facteur lumière :
- Dualité : Privé/ Public, intime /non intime
Planche 1 : Articulations : Cour /Chambres
La cour est l’espace ouvert, c’est l’image du public dans le privé. C’est espace en plus de sa fonction d’usage est la source primaire de la lumière et de l’air. Toutes ses potentialités physiques du facteur ambiance sont transmises aux espaces qui se regroupent tout autour. Les chambres, du RDC, qui sont fermés de l’extérieur reçoivent par l’intermédiaire des baies (portes ou fenêtres) toute l’énergie transmise. Cependant par les écarts d’ambiance entre cour et chambres, les usagers des chambres peuvent voir ce qui se passe dans la cour sans être vu. Ainsi se résout le problème de vis à vis et chaque chambre garde son intimité par rapport au tout.
A l’intérieur des chambres par la hiérarchie des ambiances lumineuses (du plus clair au plus obscure), s’établit un rapport entre lumière et usage : les espaces les plus clair sont réservés aux activités du jour (le Kbou et l’espace qui le précède) tel que la réception le regroupement et les différentes activités » propres » ; les espaces obscures intimes sont réservés pour les activités de nuit les frouchett (dormir….). Cependant avec la multitude des makasser on ne sait pas l’usage exacte des sous espaces des Bits, notamment Bit 3 avec l’ouverture du Bit Hajem de gauche pour accéder à la Maksoura 2 (voir planche 3) et du Bit Hajem gauche du Bit 2 pour accéder à la Maksoua 1′ (voir planche 4).
Facteur orientation :
v Dualité : Féminin/ Masculin, Intérieur/ Extérieur
Planche 2 : Articulations : Bit 3 /Makasser
Planche 3 : Articulations : Bit 2 /Makasser
Par rapport à l’orientation le Bit el kébir correspond au Bit 3 orienté Nord-est kebla: c’est la chambre du maître de la maison, l’espace masculin. Cette chambre permet l’accès à un étage supérieur qui pourrait être le compartiment du maître de la maison, par l’intermédiaire de la Maksoura1 et Maksoura1′. Le Bit 3 permet aussi l’accès visuel, par l’intermédiaire des fenêtres (Maksoura2, Maksoura2′), au jardin. Cela nous permettrait de dire que l’homme de la maison a la possibilité de surveiller ce qui se passe dans le jardin et la possibilité de contrôler les entrées et les sorties des femmes entre autres.
Cela nous emmène à supposer que le bit qui permet l’articulation avec le jardin est peut être l’espace réservé à la femme. Le Bit 2 permet la possibilité d’accès à l’extérieur, de la femme sous le regard vigilant de l’homme; une sorte de liberté conditionnée.

A travers cette multitude d’articulations relevées lors de l’identification et de l’analyse des articulations, ainsi que les détails de constructions et les éléments du décors relevés lors de la description de notre entité, on remarque que Dar Chérif présente le modèle d’une architecture traditionnelle par sa typologie et moderne par ses empreints à une architecture occidentale. Pour comprendre ce mécanisme, on va essayer d’établir un modèle de cette architecture, de monter sa structure comme système et enfin d’expliquer le tout par rapport à son réseau particulier des différentes articulations.




Le modèle de la maison Dar Chérif, dans son système expressif et représentatif, s’est imprégné, en plus de la référence traditionnelle (Prégnance 1), d’une référence occidentale et notamment l’architecture qu’on appelait moderne en Italie (Prégnance 2). Cette dernière ne fait pas de Dar chérif une maison Italienne puisque la saillante de l’être architectural (La maison Dar Chérif), s’inscrit par sa typologie dans le registre arabo-musulman d’une architecture locale tunisoise avec des empreints à l’architecture italienne.
Comment peut-on déceler et quantifier la prédominance d’une prégnance par rapport à une autre pour classer un modèle dans sa classe taxinomique ?
Comment peut-on, reconnaître les prestances fixes (qui font la classe taxinomique d’un modèle) et celles variées (qui font l’évolution d’un modèle jusqu’à son épuisement et l’adoption d’un nouveau paradigme architectural) ?
- Identification de la prégnance prédominante
La structure de Dar chérif répond à celle des maisons traditionnelles tunisoises. La prégnance prédominante est celle du registre traditionnel, puisque la structure principale du système de représentation et du système d’expression, répondent à la structure du système des maisons tunisoises. Les différences sont décelées au niveau des articulations :
Articulations 1 : Entre les différentes composantes de la même classe (classe des entités des unités et des lieux élémentaires), relation directe et interne ; la matérialité de cette articulation marque le passage d’une entité à l’autre (le passage de l’entité de [l’entrée] et de celle de l’entité [cour+chambres] ).
Articulations 2 : Entre les différentes unités, relation indirecte et partielle ; la matérialité de cette articulation marque l’interdépendance des différentes composantes du système de la maison. C’est une articulation externe qui permet de raccorder l’entitée qu’on a à analyser avec les autres entités de la maison.
Articulations 3 : Articulation externe. Entre deux lieux élémentaires de deux différentes unités, relation directe et sélective ; cette relation n’est pas établis entre tous les lieux élémentaires mais seulement entre les lieux juxtaposés où la matérialité peut facilement être marquée.
Le système d’articulation montre l’entrecroisement des composantes du système. Les articulations externes ont favorisé les empreints au modèle occidental (bow-window) pour matérialiser les relations intérieur/ extérieur, pour marquer les espaces Homme/femme, intime/ non intime, privé/public.
Les empreints à l’architecture occidentale est matérialisé aussi par tous les détails constructifs (épaisseurs des murs 10cm, les toitures…..) ainsi que les éléments du décors (faïences italiennes, faux plafonds…..).
L’exemple de Dar Chérif marque par son modèle la transition d’une architecture traditionnelle vers une architecture moderne. La nécessité d’adapter un modèle occidental annonçait, peut être, déjà l’épuisement d’un modèle architectural traditionnel tunisois ainsi que la possibilité de s’approprier un nouveau model. Tout cela coïncidait avec des faits d’un environnement historique de toute une nation, de la Tunisie, avec toutes les donnés politiques sociales et économiques. Une fois de plus l’histoire de l’architecture suit le cours des évènements dans une symbiose qui laisse à douter qu’une main invisible pousse l’humanité vers l’évolution, vers une nouvelle ère.
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