Par Sana Letaief
Editions Nirvana
Tunis 2023
Cet ouvrage « les hammams de la médina de Tunis », conception d’hier face à l’usage d’aujourd’hui, aborde le hammam sous différents aspects : historique, morphologique, technique, symbolique, économique, culturel, et sociologique mettant les usages, les pratiques et le parcours spatial au cœur de sa réflexion. Il propose une étude monographique présentant une qualité d’informations étayées par des exemples pertinents et analysant les tracés architecturaux des hammams. Il dresse un état sur les hammams à la Médina de Tunis qui constitue une source de références importante pour présenter et valoriser le patrimoine des hammams à Tunis. Il expose un ensemble de plans et tracés inédits de hammams existants ou même disparus, fruit d’un travail d’arpentage de terrain et de recherche minutieuse de documents rares. Ainsi, l’ouvrage nous fait découvrir les spécificités spatiales, stylistiques et ornementales de ces édifices. »
L’ouvrage présente 40 établissements hammams de la médina de Tunis et de ses deux faubourgs dont certains ont disparus. Une carte grand format est jointe à l’ouvrage, elle restitue le plan de la médina vers 1861 sur laquelle sont localisés les hammams et le reste des édifices de la médina.
Héritier des balneae romains, le hammam est le lieu par excellence du corps, de son hygiène et de ses soins. Les hommes viennent s’y laver, s’y faire raser et masser ; les femmes s’y lavent, s’y tatouent au henné(1) ou au harkous(2), s’épilent, et s’appliquent des masques capillaires et corporels. Il arrive aussi qu’elles viennent y soigner certains maux, en particulier articulaires et rhumatismaux : on y pratique par exemple une technique de réalignement des os du bassin après les accouchements, la kabsa. C’est également un haut lieu de sociabilité : autour d’un café ou d’un narguilé, les hommes s’y reposent, et discutent affaires ou politique, tandis que les femmes bavardent et choisissent une épouse pour leurs fils, dans une atmosphère agréable.
La médina de Tunis comptait au X° siècle 15 bains publics(3). Au XVII° siècle, Ibn Abi Dinar(4) en dénombre 40, et en 1861 le conseil municipal(5) fournit une liste détaillée de 64 hammams : 37 dans la médina centrale, 13 au faubourg Bab Souika, et 14 au faubourg Bab Djazira. Pour l’étude des hammams, la source archivistique la plus importante est l’ensemble des registres de la taxe locative (el kharrouba)(6), dont le plus complet date de 1843(7). Ces archives indiquent que la majorité des établissements de bain étaient des biens habous, servant à alimenter les caisses de biens religieux, militaires ou beylicaux. Il y avait aussi des propriétés privées.
Ainsi, le soin qu’accordaient les notables et les habitants de la ville de Tunis à l’édification des hammams est révélateur de l’importance donnée à l’hygiène. Ces infrastructures publiques d’hygiène et de bien-être rythment le mobilier urbain et participent à l’essor de nouveaux quartiers.
Sana Letaief est Designer et Docteure, elle est membre au Laboratoire d’archéologie et d’architecture maghrébines (LAAM),
Elle est enseignante universitaire à l’Institut Supérieur des Arts et Métiers de Siliana ISAMS depuis septembre 2021. Elle avait enseigné à la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités à la Manouba, ainsi qu’à l’Institut Supérieur des Beaux Arts de Sousse.