Société civile et observation urbaine : production de la connaissance et gouvernance territoriale
RÉSUMÉ
L’observation urbaine et l’analyse des territoires locaux par le biais de la société civile se présentent comme un mode participatif innovant de compréhension et de gouvernance des territoires. Les démarches participatives de prospective territoriale sont à invoquer car elles permettant de mieux comprendre les mutations qui s’opèrent dans les villes et les territoires et qui sont traitées selon des enjeux différenciés mettant en conflit ou en cohérence l’État, les collectivités locales, le secteur privé et les organisations de la société civile (OSC). La rhétorique normative et non-normative qui se développe à travers les dispositifs institutionnelles (discours institutionnels, lois, textes règlementaires, procédures, chartes, etc.) mérite d’être éclairée dans une optique de réflexion sur le rôle des OSC dans la production de la décision/la connaissance notamment celle en rapport avec la planification urbaine participative et le développement des villes.
ANNONCE
Colloque international pluridisciplinaire, organisé par Le Laboratoire de recherche « Gouvernance, Ambiance et Développement des Villes » (lab GADEV) – Université de Carthage
Sidi Bousaid (Tunis), 18 et 19 Novembre 2021
Argumentaire
La société civile constitue de nos jours, et depuis plus d’un siècle, un acteur irréductible de l’action urbaine locale. D’Aristote, jusqu’à Tocqueville et Gramsci, la société civile figure dans les débats scientifiques, philosophiques et politiques sur la ville (Ehrenberg, 1999). En dépit du développement des contributions scientifiques, depuis 2003 sur la théorie de la société civile (Edwards, 2009), sa pratique a été confrontée aux enjeux politiques et institutionnels qui visent tantôt la réduction de leurs champs d’intervention dans des contextes despotiques, tantôt la consolidation de leurs positionnements dans des systèmes urbains démocratiques. La configuration des sociétés civiles est tellement mitigée qu’aucune des théories proposées n’a pu cerner ses contours pratiques. Les Organisations de la Société Civile (OSC) en tant que partie prenante du développement territorial, interrogent, au travers de leurs positions (acteur d’assistance, de résistance, de pression, etc.), les nouveaux modes de décision et de régulation urbaine. Les associations, ONG, fondations, unions, alliances, universités, réseaux, syndicats, médias, sociétés savantes, etc. développent aujourd’hui de nouvelles compétences leur permettant de mieux se positionner dans la scène de la décision locale et régionale voire internationale. C’est parce qu’amorcée dans la sphère publique que ces formes d’engagements civils ont pris de nouvelles configurations liées à la réduction des conflits entre acteurs, à la communication des formes d’interaction et à la démocratisation des politiques publiques (Chambers and Kylicka, 1999). Si les formes d’action associatives se sont diversifiées d’un contexte à l’autre, l’observation urbaine et l’usage des outils de la gouvernance, sont parmi les principales compétences développées par les OSC. Les facteurs déterminant cette réalité sont d’ordre institutionnel et politique. Ils se rapportent, par ailleurs, aux modes d’appuis techniques et financiers portés par les organisations internationales et les bailleurs de fonds expérimentant des « modèle conceptuels » ou des « paradigmes innovants» : La décentralisation, la gouvernance, la participation, et autant d’autres expressions qui émergent dans des contextes de transitions ou de crise annoncent la montée en scène de la société civile à l’égard des structures traditionnelles de gouvernement.
L’observation urbaine et l’analyse des territoires locaux par le biais de la société civile se présentent comme un mode participatif innovant de compréhension et de gouvernance des territoires. Les démarches participatives de prospective territoriale sont à invoquer car elles permettant de mieux comprendre les mutations qui s’opèrent dans les villes et les territoires et qui sont traitées selon des enjeux différenciés mettant en conflit ou en cohérence l’Etat, les collectivités locales, le secteur privé et les OSC. La rhétorique normative et non-normative qui se développe à travers les dispositifs institutionnelles (discours institutionnels, lois, textes règlementaires, procédures, chartes, etc.) mérite d’être éclairée dans une optique de réflexion sur le rôle des OSC dans la production de la décision/la connaissance notamment celle en rapport avec la planification urbaine participative et le développement des villes. Il va sans dire que, outre les OSC, l’analyse des acteurs ; leurs stratégiques et leurs enjeux pour l’avenir des villes s’impose parce qu’elle invoque les incertitudes liées à la fragilisation, à l’accentuation de la disparité régionale, à la marginalisation et aux formes de ségrégation urbaine.
Par nombre de ces approches, ce colloque interpelle les initiatives locales et les pratiques territoriales associatives portant sur le rôle des OSC dans le développement des villes et des territoires locaux. Les communications proposées tentent de recentrer la question de la société civile sur le développement urbain tout en analysant son rôle et ses compétences dans des contextes de crise ou de transition singularisés.
L’appel s’adresse autant aux spécialistes du monde académique qu’aux chercheurs, professionnels et décideurs engagés par leurs recherches, leurs pratiques et leurs activités associatives dans ces domaines et désirant partager et mettre en débat leurs questionnements (théoriques, conceptuels et constructifs).
Les propositions de communications peuvent s’inscrire dans l’un des axes suivants :
Axe 1 : Société civile, observation urbaine et production de la connaissance
Axe 2 : Organisations de la société civile, approches participatives et planification urbaine et territoriale
Axe 3 : La société civile : un acteur de/par la gouvernance territoriale
Axe 1 : Société civile, observation urbaine et production de la connaissance
S’appuyant sur des approches analytiques et contextualisées, cet axe aborde les initiatives portées par les OSC en matière d’observation urbaine à travers le développement d’expériences ou d’actions locales visant la compréhension des territoires. La construction d’observatoires, l’appui aux gouvernements locaux pour la construction de bases de données, l’administration d’outils d’observation innovants, la conduite de projets ou de chartes de développement sont autant d’expériences qui méritent d’être nuancées et ensuite discutées. Dans sa dimension épistémologique, cet axe cherche à dégager des éléments de réponses par rapport à la relation entre les nouvelles « compétences savantes » (Nez, 2011) de la société civile et la production de la connaissance en tant que « pratique scientifique ». Et qu’à l’état brute, cette forme de « science » peut être progressivement partagées avec d’autres acteurs agissant dans des sphères décisionnelles différentes (maires, gouverneurs, députés, experts, universitaires, médias, etc.). Les contributions analysant les méthodologies observées dans ces expériences, sont autant sollicitées qu’elles permettent d’expérimenter la nécessité du retour à la pratique. Une dimension qui trouve ses origines dans la théorie du progrès scientifique bachelardienne (Bachelard, 1983)qui défend dans sa thèse centrale la nécessité de dépasser l’obstacle épistémologique à traves la mise en question des habitudes intellectuelles (Soler, 2019).
Axe 2 : Organisations de la société civile, approches participatives et planification urbaine et territoriale
Cet axe interroge les différentes tentatives de démocratisation des démarches de planification urbaine à travers la participation des habitants et de la société civile. Les pratiques à l’œuvre témoignent du rôle joué par les associations dans l’orientation des débats sur l’avenir des villes. Cependant, les arènes de discussion et de délibération traditionnellement commandées par des acteurs publics sont souvent mis en question face à l’obligation de faire participer les associations locales dans les processus de planification des projets urbains et dans les stratégies de développement des territoires (D’Aquino, 2002). Certaines de ces initiatives collectives sont formalisées d’autres non, mais qui résultent d’une inégale prise de conscience des acteurs locaux et centraux à l’égard des compétences que développent les ONC et qui dépassent souvent les leurs.
Axe 3 : La société civile : un acteur de/par la gouvernance territoriale
Cet axe, en tant que déclinaison des deux précédents, questionne les expériences des associations dans le portage des initiatives et des actions portant sur la formulation et l’opérationnalisation d’outils de redevabilité, de transparence, de légitimité et donc de gouvernance urbaine (Lascoumes et le Gales, 2005). Les OSC, en investissant les outils à l’œuvre, mettent leurs compétences en faveur de l’exercice de diverses formes de mobilisation et de pression sur la décision. La mise en question des formes de gestion communale ainsi que l’accès difficile aux services urbains interpellent le rôle des OSC en tant qu’acteur relai plaidant en faveur d’une véritable gouvernance territoriale axée sur la participation et la codécision. Les formes de collaboration entre OSC et acteurs publics centralisés et décentralisés sont également à éclairer. L’expérimentation des initiatives collaboratives peut être prolongée sur les expériences de réseautage plaidant en faveur d’une plus large concertation sur l’avenir des territoires de l’urbain.