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lnégalités complexes face à un avenir incertain : Quelle résilience ?

by Archi Mag

Ce livre, à paraître chez l’Harmattan, porte sur des questions actuelles brûlantes, dans un monde complexe. Les inégalités et les injustices sociales sont, de plus en plus, préoccupantes du moment qu’elles s’intensifient tellement que les larges franges d’individus et de groupes les ressentent avec émotions.

En effet, les passions tristes se généralisent à tel point que le devenir et l’à-venir deviennent de plus en plus incertains dans un monde plein de risques de toutes sortes. En plus, les rapports au temps et à l’espace changent sous l’effet de la mondialisation rampante, de l’algorithme, de l’intelligence artificielle, des bots. Des zoonoses sévissent dans notre environnement. Ils sont source de pandémies inquiétantes.

Une résilience serait-elle possible grâce à de nouvelles solidarités fondées sur une nouvelle économie morale ?

Voici le préface du livre par Roger SUE, professeur émérite à l’Université de Paris

Un même monde
« Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve »
Friedrich Hölderlin, poète allemand (1770-1843)

Il faut la très large culture en sciences économiques et sociales d’Abdesselem Mahmoud sans parler d’urbanisme, de géographie et d’environnement, pour prendre à bras le corps les grandes questions soulevées par un monde en mutation. Tout cela en neuf chapitres denses, documentés, référencés mais aussi didactiques. Qu’il s’agisse de sociologie, de psychologie
ou d’économie, l’auteur n’hésite pas à resituer les questions contemporaines en partant des assises théoriques diverses qui en font l’histoire. De ce point de vue, chaque chapitre peut être lu indépendamment des autres et l’on peut commencer selon ses préférences. Pour autant, un fil conducteur, explicité dans le titre du livre et celui des chapitres, traverse le livre autour de la notion d’inégalité (complexe), mais aussi, en forme de contrepoint, celle de résilience.
On connaît le paradoxe : jamais la culture de l’égalité n’a été si répandue, attendue, affichée. Jamais les inégalités n’ont semblé aussi fortes, que ce soit à l’intérieur des pays ou dans les rapports Nord-Sud. Ceci explique en partie cela, car le ressenti émotionnel compte autant que la réalité objective qui le suscite.
Le décalage entre l’individualisation, les subjectivités montantes de plus en plus affirmées et les réalités objectives ne cesse de croître. Et sans doute, pour ce même motif, peut-on redouter de terribles déflagrations à venir mais aussi de nouveaux élans et forces de solidarité, dans et hors des frontières. Là est la possible résilience à laquelle veut croire notre auteur. Si nous sommes entre deux mondes possibles, à la croisée des chemins, alors les responsabilités politiques deviennent plus que jamais déterminantes.
D’autant plus qu’il y a urgence. La montée des périls s’accélère. Le chapitre consacré à la pandémie du Covid-19 en est sans doute la meilleure illustration. Cet OVNI (Objet Viral Non Identifié) comme le nomme l’auteur est en effet un révélateur et un accélérateur. D’un côté, il renvoie à la crise environnementale et climatique qui a multiplié les zoonoses à caractère pandémique au cours des dernières décennies, de l’autre, il visibilise les inégalités les plus inacceptables lorsqu’il s’agit de la vie humaine, de la santé, des infrastructures médicales et hospitalières. Pourtant, selon la citation classique du poète allemand Friedrich Hölderlin : « Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve » qui aurait pu servir d’épigraphe au livre d’Abdesselem Mahmoud, la pandémie a dans le même temps joué un rôle positif. La prise de conscience que nous habitons le même monde fini dans lequel le virus se moque des frontières et plus encore des murs qui se dressent çà et là. La nécessaire priorité qu’il faut donner aux « Biens premiers » contre la marchandisation du vivant et la soumission aux exigences du capitalisme patrimonial et financier. Mais aussi les élans de solidarité qui se sont manifestés et que l’on n’attendait
pas, même s’il semble que la reprise se fasse sur le modèle du retour au business as usual. »
C’est un nouveau principe de solidarité que l’auteur appelle de ses vœux. Il le voit à l’œuvre dans bien des pays, en Tunisie, terre patrie d’Abdesselem Mahmoud, comme ailleurs. On en perçoit l’incandescence dans nombre de mouvements sociaux et dans l’influence croissante des ONG. La révolte, parfois la révolution, la contestation sans aucun doute existent, mais
dessinent-elles un nouveau monde ? Comment passer de la contestation aux recommandations surtout quand elles se veulent à portée universelle ? Si l’auteur nous invite à y réfléchir, il ne trace pas un chemin prédéterminé à l’avance.
L’avenir n’est écrit nulle part et une étincelle peut provoquer le feu ou la lumière. Probablement les deux, tant les attentes se sont aiguisées.
Penser un même monde. Au travers des rapprochements Nord-Sud dont l’auteur nous donne deux exemples sociologiquement fondamentaux. Le premier concerne la perception des temps sociaux. Contrairement aux idées reçues, les sociétés du Sud, notamment celles d’Afrique, sont moins tournées vers le passé et le temps circulaire. L’auteur montre bien comment l’urbanisation relativise les rythmes de la nature comme les saisons. Si la tradition demeure, elle n’est plus figée et s’ouvre sur l’à-venir, tout particulièrement dans les jeunes générations. La projection dans l’avenir n’est plus l’apanage des sociétés occidentales. D’autant que ces dernières ne savent plus éclairer leur propre avenir et qu’elles se trouvent dans l’impasse.
Le présent devient l’omniprésent. Si les cadres et les rythmes temporels se rapprochent, les incompréhensions se réduisent, les visions se rapprochent, l’avenir commun devient possible.
Autre exemple : l’individualisation perce aussi dans les sociétés du Sud, relativisant l’emprise communautaire et la pesanteur de la tradition. Inversement, l’enfermement individualiste des autres sociétés dites « avancées » conduit à de nouvelles formes de communautés plus ouvertes, notamment avec l’essor des associations formelles et informelles. Finalement, la question de la nature du lien social qui peut favoriser la solidarité se pose bien à l’échelle mondiale. Sans aucun doute, la personnalité d’Abdesselem Mahmoud à la fois ancrée dans sa Tunisie natale, contributeur éminent de son développement culturel et universitaire, mais aussi pétri de la lecture des meilleurs auteurs occidentaux, est-elle l’illustration de ce même monde dont il a su, avec talent dans ce livre, cerner les contours qui déterminent notre commune destinée.

Abdesselem MAHMOUD est Professeur des Universités en Sociologie Urbaine et Développement Durable, à Tunis. Il a enseigné dans des universités étrangères, comme coopérant visiteur, Auteur et coéditeur de livres et de nombreux articles publiés dans des revues scientifiques nationales et internationales en arabe, français et anglais. Il est Expert Consultant en urbanisme et aménagement.

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